Un drapeau de la garde nationale pendant la Commune de Paris

La garde nationale parisienne, recréée à l'automne 1870, a reçu des drapeaux rouges à partir d'avril 1871. Ils succèdent aux drapeaux tricolores et l'inscription « Vive la République » est remplacée par « Vive la Commune » : cet objet fixe les oppositions politiques, et bien peu d'exemplaires nous sont parvenus.

Analyse de l’objet

Analyse de l’objet :

Un drapeau de la garde nationale

Ce beau drapeau rouge a certainement succédé à un drapeau tricolore. Il a été restauré récemment. Une photographie plus ancienne y montrait des trous dont l’origine (balles ? mites ? usure ?) n’était pas complètement claire.

Pourquoi la garde nationale ? Dès le début du siège de Paris par l’armée prussienne (septembre 1870), les Parisiens (les hommes, mais aussi des cantinières et ambulancières) se sont massivement engagés dans la garde nationale. De nombreux bataillons ont dû être créés pour les accueillir. Ce fut le cas du 143e, un bataillon du 10e arrondissement. Chaque bataillon avait des compagnies « de guerre » et des compagnies « sédentaires ».

La garde nationale a défendu Paris, sur les fortifications qui l’entouraient, et lors de plusieurs sorties (vers Le Bourget, Chantilly…) et batailles meurtrières (comme celle de Buzenval). Les drapeaux des bataillons, au cours de ces moments de la guerre franco-prussienne, étaient des drapeaux tricolores. Ils portaient le numéro du bataillon et souvent, pour ceux des quartiers populaires, une inscription « Vive la République ».

Le gouvernement « de la Défense nationale » a capitulé le 28 janvier 1871, ce qui a mis fin au siège et mécontenté la population parisienne.

Le 18 mars, un début d’insurrection a fait fuir le gouvernement de Thiers à Versailles. Le Comité central élu par les gardes nationaux a organisé l’élection d’un conseil communal, la Commune de Paris, qui a commencé à gouverner Paris le 28 mars, pendant que, à Versailles, on reformait l’armée.

Dès le 2 avril, les bataillons de la garde nationale, et surtout ceux des quartiers populaires, dont était le 143e, ont dû défendre Paris à nouveau, sur les fortifications et alentour, cette fois contre les attaques de cette armée « versaillaise » — qui combattait elle aussi sous des drapeaux tricolores.

Les drapeaux de la Commune deviennent rouges

C’est au cours du mois d’avril que les bataillons de la garde nationale ont reçu des drapeaux rouges, comme celui que l’on voit ici. On remarque que l’inscription est devenue « Vive la Commune ».

Le drapeau rouge est simultanément devenu celui de la Commune. Il a flotté sur les mairies de tous les arrondissements, même si cela a tardé un peu dans les arrondissements de l’Ouest, et sur tous les édifices publics, les bureaux du Mont de piété, par exemple, mais aussi sur les monuments, notamment sur le Panthéon.

Refusé par Lamartine lors de la révolution de février 1848, le drapeau rouge, symbole de la « République démocratique et sociale », a flotté sur les barricades de juin 1848. Adopté par l’Association internationale des travailleurs lors de son congrès de 1868, il a pris un sens un peu plus large. Comme le dit le Journal officiel (publié par la Commune à Paris) le 31 mars : « À nouvelle ère, nouveau drapeau ! Le drapeau du travail, de la paix et de l’égalité, le drapeau rouge ! ».

La Semaine sanglante et le « hideux drapeau rouge »

L’entrée de l’armée versaillaise et de la guerre dans Paris déclenche le massacre de masse de la « Semaine sanglante » (21-28 mai 1871). C’est une guerre des rues, dans la ville couverte de barricades, suivie dans chaque quartier conquis d’exécutions sommaires. Pour les versaillais, le drapeau rouge était celui de la subversion sociale. De nombreux « hideux drapeaux rouges » ont ainsi été saisis et détruits par l’armée.

D’autres drapeaux rouges ont été brûlés préventivement par les communards. Ainsi, la cantinière Victorine Brocher des « Défenseurs de la République », qui avait tenté de conserver le drapeau que des membres de la Commune avaient donné à son bataillon le 25 avril, enroulé autour d’elle, a fini par le brûler. Très peu de ces drapeaux ont pu être sauvés et cachés, comme celui-ci, et sont arrivés jusqu’à nous.

Auteur de l’étude :
Date de mise en ligne :
27 février 2024
En savoir plus :

Victorine Brocher, Souvenirs d'une morte vivante : une femme du peuple dans la Commune de 1871, Paris, Libertalia, 2017.

Maurice Dommanget, Histoire du drapeau rouge, Marseille, le Mot et le reste, 2006.

Anne Yanover, Laure Godineau (dir.), Insurgé.es ! Regards sur celles et ceux de la Commune de Paris de 1871, Paris, Libertalia, 2022.

Pour citer cette étude :

Michèle Audin, « Un drapeau de la garde nationale pendant la Commune de Paris », ObjetsPol [en ligne], mise en ligne le 27 février 2024, https://objetspol.inha.fr/s/objetspol/item/99.