Objets politiques séditieux (France, 1814-1830)
Une construction juridique
L’objet séditieux est une construction juridique. C’est le regard des autorités (policières et judiciaires) qui définit le seuil de sédition. En premier lieu, l’objet est jugé séditieux en fonction de l’image ou du signe visuel dont il est le support ; il n’est pas mentionné explicitement dans les textes de loi, mais indirectement à travers la censure des images. En novembre 1815, durant la « Terreur blanche » (épisode de violences contre les bonapartistes), une loi d’exception sur les cris et écrits séditieux bannit les « dessins ou images dont la gravure, l’exposition ou la distribution tendraient [à désobéir au roi et à la Charte constitutionnelle] ». La présence d’un signe ou d’une image proscrits ne suffit cependant pas à qualifier l’objet de séditieux. S’y ajoute leur exposition ou leur circulation dans l’espace public, critère décisif dans la loi comme dans la jurisprudence.
En cette première moitié du XIXe siècle, la communication visuelle et orale est au moins aussi importante que la circulation des écrits[1]. L’image est conçue en interrelation avec le texte. Ce sont donc assez logiquement les lois sur la presse qui régulent, indirectement, la circulation des objets séditieux, comme si ces derniers étaient analogues à des opinions publiées. La loi sur la presse du 17 mai 1819 punit ainsi le « port public de tous signes extérieurs de ralliement non autorisés » ainsi que la mise ou vente, distribution ou exposition « dans des lieux ou réunions publics » de « dessins, gravures, peintures ou emblèmes » de nature à provoquer des crimes ou des délits. La définition du seuil de sédition est relativement vague quant aux signes représentés, mais elle est précise quant au caractère public de l’objet vendu, monté ou diffusé. Un objet protestataire conservé dans un domicile privé reste ainsi, en droit, soustrait à de possibles poursuites.
Une nouvelle loi sur la presse, en 1822, ajoute à l’ancien arsenal punitif la condamnation de « l’exposition dans les lieux ou réunions publics, la distribution ou la mise en vente de tout signe ou symbole destiné à propager l’esprit de rébellion ou à troubler la paix publique ». Plus large dans sa formulation, cette nouvelle disposition est plus conforme aux pratiques policières, attentives à tous les dérèglements de l’ordre public. En un mot, est jugé séditieux tout objet susceptible de troubler l’ordre civique.
Notes
- ^ Sur la censure visuelle, voir David O’Brien, « Censorship of Visual Culture in France, 1815—1852 », Yale French Studies, 2012, no 122, p. 37‑52 ; Robert Justin Goldstein, Censorship of Political Caricature in Nineteenth-Century France, Kent, Kent State University Press, 1989.
Pour citer cette étude : Emmanuel Fureix, « Objets politiques séditieux (France, 1814-1830) », ObjetsPol [en ligne], mise en ligne le 14 février 2024, https://objetspol.inha.fr/s/objetspol/item-set/63.