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Objets politiques séditieux (France, 1814-1830)

Une autre modalité de sédition est repérable sur certains objets : la présence de caricatures ou de charges graphiques offensantes pour le pouvoir royal. En l’occurrence, il s’agit non pas de caricatures déjà publiées, même clandestinement, et reproduites sur des objets, mais de caricatures autonomes, propres à ces objets. Il est vrai que la censure préventive des images réduit considérablement l’espace de la caricature politique dans les années 1820. Celle-ci peut néanmoins s’incarner dans des objets-charges. Ainsi des cartes à jeu saisies par la police en 1823 présentent-elles des couronnes ornées d’oreilles d’âne et de têtes de serpents, destinées à « tourner en ridicule la personne sacrée de notre monarque et celle des augustes membres de sa famille et d’exciter en outre tous les ennemis de la royauté dans leur aveuglement[1] ». Dans un autre cas, ce sont des inscriptions explicitement séditieuses qui ornent un jeu de cartes : « À bas les Bourbons ! » ; « Mort aux royalistes ![2] ». En 1827, une tabatière séditieuse dite « à la girafe », en raison d’une gravure représentant le célèbre animal offert à Charles X par Méhémet-Ali, est vendue chez un marchand de nouveautés avec ces inscriptions ravageuses pour la personne sacrée du roi : « Entrée à Paris de Sa Grandeur la Girafe », « Il n’y a rien de changé en France, si ce n’est qu’il y a une bête de plus[3] ».

Sous le règne de Charles X, la campagne visant à dénoncer l’alliance du Trône et de l’Autel touche aussi la sphère des objets quotidiens. C’est la figure du « roi-jésuite » qui s’incarne alors dans des objets. Représenter le souverain sous les traits d’un jésuite ou d’un évêque, avec calotte ou rabat ecclésiastique, revient à rendre visible la confusion des pouvoirs civil et religieux, et l’emprise supposée de l’Église catholique sur le gouvernement royal, voire un « complot jésuitique ». Le corps du roi, confondu avec celui du clerc, au lieu d’incorporer le sacré, se dédouble monstrueusement. Dans une baraque de foire à Metz en avril 1827, un confiseur ose exposer des pains d’épice représentant le roi Charles X orné d’une calotte, suscitant le scandale. La pièce est immédiatement saisie par un commissaire de police et adressée au préfet puis au ministre de l’Intérieur. Cette pièce à conviction a ainsi laissé dans les archives une empreinte qui permet de se faire une idée de l’objet en question.

Mais ce sont surtout des pièces de monnaie graffitées et diffusées dans une bonne dizaine de départements qui inquiètent les autorités entre 1826 et 1828. L’effigie de Charles X y est profanée par la transformation de l’image du roi en évêque ou en jésuite : des calottes sont dessinées ou gravées à l’encre de Chine, au mastic noir ou à l’eau-forte. Des dizaines de milliers de pièces de ce type circulent ainsi en subvertissant l’ordre visuel de la souveraineté, dans une campagne manifestement orchestrée. Les pièces de monnaie, images traditionnelles du souverain, deviennent des objets de critique du pouvoir, sans que leurs auteurs ne puissent jamais être identifiés.

Notes

  1. ^ Pierrefitte-sur-Seine, Archives nationales, F/7/6704.
  2. ^ Pierrefitte-sur-Seine, Archives nationales, F/7/6704.
  3. ^ Pierrefitte-sur-Seine, Archives nationales, F/7/6706.

Pour citer cette étude : Emmanuel Fureix, « Objets politiques séditieux (France, 1814-1830) », ObjetsPol [en ligne], mise en ligne le 14 février 2024, https://objetspol.inha.fr/s/objetspol/item-set/63.